À l'occasion de la Journée de la justice pour les prisonniers et prisonnières, dans toutes les prisons du Canada et ailleurs dans le monde, des détenuEs entreprendront une grève de la faim de 24 heures. Nous dédions ce geste à la mémoire d'Eddy Nolan, qui est décédé au Pénitencier de Millhaven, en Ontario, le 10 août 1974, victime des conditions inhumaines qui prévalaient alors dans cette prison. Nous faisons ceci pour commémorer touTEs les détenuEs qui se sont battuEs et les deux qui ont perdu la vie lors d'une émeute de quatre jours en avril 1971 au Pénitencier de Kingston. Ces deux incidents ont entraîné des réformes majeures du système carcéral canadien. Nous jeûnons pour nous rappeler. Nous faisons la grève pour rappeler aux institutions et au monde que, même derrière les barreaux, nous avons des droits fondamentaux et conservons notre dignité humaine, et que nous pouvons encore nous battre pour les préserver.
Cette déclaration a été écrite par Alex Hundert, avec l'apport de plus d'une douzaine de détenus du Centre correctionnel du Nord, à Penetanguishene, Ontario, et par Mandy Hiscocks, présentement détenue au Centre Vanier pour les femmes, à Milton, Ontario. Ces deux établissements sont des prisons provinciales en Ontario, Canada. Cette déclaration a été signée par 56 détenuEs de Penetang et de Vanier, soit 100% de ceux et celles qui ont eu l'occasion de la lire. La plupart des détenus de Penetang qui ont contribué à la rédaction initiale de cette déclaration n'ont pas eu la chance de la signer car ils ont été, pour des raisons qui sont étrangères à cette initiative, soit déplacés, soit jetés au trou (isolement « préventif »).Il est scandaleux que le gouvernement fédéral choisisse de mettre en vigueur les premières mesures de sa loi omnibus C-10, la prétendue Loi sur la sécurité des rues et des communautés, le 9 août, soit la veille de la Journée de la justice pour les prisonniers et prisonnières. Cette loi ne servira qu'à remplir encore davantage les prisons et à faire en sorte que le système carcéral soit encore moins utile à la justice qu'il ne l'est déjà. Nous vouons que les gens comprennent à quel point les choses vont déjà mal avant qu'elles n'empirent encore.
Dans les prisons provinciales de l'Ontario, il n'existe aucune mesure fonctionnelle pour faire respecter nos droits fondamentaux, comme c'est le cas dans les pénitenciers fédéraux depuis les années 1970, lorsque les détenuEs se sont battuEs et que certainEs ont donné leur vie pour les obtenir. Dans les prisons provinciales, nous sommes assujettiEs à une autorité arbitraire, sans aucun processus de grief efficace. Les prisons provinciales sont considérablement plus surpeuplées que les pénitenciers fédéraux. Près de 70 % des détenuEs dans les prisons provinciales n'ont pas été condamnées et sont en fait en attente de leur remise en liberté sous caution ou de leur procès ou, dans de nombreux cas, sont en attente de déportation. Avec l'abandon des peines avec sursis et la mise en vigueur de mesures plus sévères (particulièrement contre les jeunes contrevenants) et de peines minimales obligatoires, l'on accordera encore plus d'importance au système carcéral. Nous constatons, avec colère et consternation, que les lois fédérales ne feront qu'aggraver une situation déjà inacceptable.
Les programmes de réhabilitation ont été dépouillés et les prisons transformées ni plus ni moins qu'en entrepôts. Par exemple, dans la prochaine année, le Programme de soutien au financement du traitement de la toxicomanie (PSFTT) sera l'objet de compressions massives, de l'ordre de 42 millions de dollars. En vertu des dispositions de l'omnibus C-10, cet argent sera transféré directement aux enquêtes et aux poursuites criminelles. C-10 coûtera à l'Ontario un milliard de dollars en nouvelles infrastructures carcérales, alors même que les programmes sociaux et les emplois sont éviscérés et que les pauvres gens sont poussés toujours plus loin dans la pauvreté. Le gouvernement de l'Ontario estime que le coût moyen de garder unE détenuE dans une prison provinciale est de 183 $ par jour ; par comparaison, le coût du logement social est de 5 à 25$ par jour. Pourtant, l'on construit des prisons plus volontiers que des logements sociaux.
Si l'on veut vraiment que nos communautés soit plus sûres, la solution n'est pas d'enfermer plus de personnes, plus longtemps, dans des prisons où leur colère et leur désabusement ne fait que s'approfondir et s'enraciner. Il faut changer les conditions dans lesquelles les gens sont incarcérés et il faut développer des stratégies pour faire en sorte qu'à la base, de moins en moins de membres de nos communautés soient enfermés. Il faut se concentrer sur la réhabilitation, pas sur les entrepôts. Il faut cerner les raisons premières pour lesquelles les gens se retrouvent ici afin qu'à leur sortie, ils aient de meilleures perspectives d'avenir. Il nous faut faire respecter la dignité humaine, et non pas l'arracher aux gens. On peut accomplir ceci en protégeant les droits fondamentaux des détenuEs, non pas en leur retirant toute responsabilité et toute chance de réhabilitation. Il nous faut bâtir des communautés saines et favoriser des liens interpersonnels fondés sur des principes plus riches et plus profonds que la logique « eux contre nous », la mentalité que ce système tente de nous inculquer.
C'est en évoluant vers un système qui protège les droits de tout le monde également, y compris ceux des prisonniers et prisonnières, que nous pourrons nous rapprocher d'une authentique justice pour tous et toutes.
Signé,
Alex Hundert
Ana Maria
Ana M. Charry
Bryan Sousa
Candis Beckford
Chad Mauthe
Chen ZL
Christine N
Clair Herrington
Costello
Cummings
Dan Mccue
Daphney Thompson
DB
DP
Debra Chrisjohn
Derrick Ochoa
Ed Mccrudden
Eduardo “Tito” Silver
Evelyn Breuer
Fay Schofield
FJ
Francis Joel Lerode
George Curtis
Gordon Gatt
H Johns
Isaac Nakoolak
Jacqlynn Hoshowatiuk
James
Joann Went
Julias Danchnor
Justyna Karas
Mandy Hiscocks
Marina T
Mark Smith
M Bermido
M Gardanzari
Mitchel Wheeler
MB
MM
Natasha Gomes-Le-yung
NM
OL
Paul Mitchel
PB
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